Blankishot

Blankishot Bull Terrier

Bull Terrier

Le spinning

Terminologie et définition: Sous le vocable "chiens tourneurs" se dissimulent deux situations cliniques très différentes: 





La marche sur le cercle ( circling) correspond à une marche lente et obnubilée traçant un cercle large.

Le

tournis peut-être décrit comme un déplacement rapide sur un cercle

serré, l'animal tournant en fait sur lui-même. Il correspond au

tail-chaising ( on retrouve aussi le terme de spinning, circling ) des

anglo-saxons.




Une

prise de contact buccale avec la queue, pouvant aller jusqu'à 

l'auto-mutilation, peut être éventuellement observée, mais n'est pas 

obligatoire.


Enfin,

mais il s'agit là de mouvements très particuliers, des rotations " en 

tonneaux" sont parfois observées lors d'atteinte vestibulaire.


La marche sur le cercle révèle indiscutablement une lésion nerveuse unilatérale.

La localisation au sein de l'encéphale est variable et sera révélée par les autres symptômes.

Bien qu'il existe de nombreuses exceptions, la lésion est généralement située du côté vers lequel l'animal tourné.

Nous nous intéresserons donc par la suite uniquement au tournis et à son diagnostic différentiel.





Description clinique: La présentation clinique peut être très variable.





Certains

éléments cliniques sont particulièrement importants car ils 

contribuent au diagnostic différentiel : l'âge d'apparition, la durée 

des épisodes de tournis et leur fréquence, le contexte déclenchant, 

l'état de conscience. Les comportements associés doivent être étudiés, 

qu'il s'agisse des comportements qui précédent les épisodes de tournis,

les accompagnent ou les suivent: grognements, aboiements, 

gémissements, agressions, obnubilations, hallucinations, léchage... Ces

renseignements et la description détaillée du propriétaire apportent 

des précisions quand à la nature du tournis. la visualisation de bandes

vidéos réalisées par le propriétaire est souvent utile car le tournis 

est rarement observé en consultation.






Les caractéristiques cliniques permettent de distinguer d'emblée trois formes de tournis:





Stéréotypie: acte ou enchaînement d'actes identiques, répété régulièrement et 

dénué de fonction apparente. La caractéristique clinique essentielle 

des stéréotypies est l'absence de signal d'arrêt à l'issue de 

l'exécution de l'acte, une intervention extérieure étant nécessaire 

pour interrompre la séquence. Cet élément permet de distinguer les 

stéréotypies des activités substitutives qui possèdent un signal 

d'arrêt endogène spontané.






Activité substitutive: l'activité substitutive a deux caractéristiques principales: le 

comportement est sans rapport avec le contexte d'émission et permet 

d'apaiser une situation de conflit interne ou de tension émotionnelle. 

contrairement aux stéréotypies, elle s'autorégule et s'interrompt 

spontanément.






Rituel: séquence comportementale organisée autour d'un ensemble d'actes 

spontanément produits, puis qui acquièrent une fonction de 

communication.






Le

distingo est théoriquement aisé entre stéréotypie et rituel ou 

activité substitutive mais beaucoup plus difficile entre ces deux 

dernières catégories.


 









Étiologie et diagnostic différentiel: Dans un but didactique, nous regrouperons les entités cliniques pouvant s'illustrer par du tournis en 3 catégories:



  1. Les affections organiques 

  2. Les états pathologiques et les entités diagnostique comportementales dont le tournis est un symptôme secondaire ou mineur. 

  3. Les entités diagnostiques comportementales dont le tournis est un symptôme principal ou majeur.









Les affections organiques: Le

tournis peut être la manifestation d'une épilepsie partielle (

psychomotor seizure ) qui se caractérise par l'expression paroxystique

et répétitive de comportement anormaux ( tournis, aboiements, ingestion 

de mouches imaginaires...), survenant isolément ou suivis d'une phase

convulsive. Les crises d'épilepsie partielle résultent d'un foyer,

généralement lésionnel, situé dans le lobe temporal. les causes sont

nombreuses ( tumeur, traumatisme, ménigoencéphalomyélite, etc...). Le

diagnostic de certitude est hasardeux. L'électro-encéphalogramme, qui

permet d'identifier une activité électrique anormale, est un examen

relativement répandu aux États-unis. Sa légitimité diagnostique peut

pourtant être remise en cause. Un diagnostic thérapeutique (

amélioration sous phénobarbital ) peut théoriquement être envisagé si la

suspicion clinique le justifie ( élimination des autres causes, phases

pré ou post-ictales apparentes...).






NB: Selon certains auteurs, le diagnostic de crise d'épilepsie partielle et de stéréotypie ne s'exclut pas.





Les

affections de la région lombo-sacrée (syndrome queue de cheval ) ou

toute irritation de la région caudale ( queue, anus, etc ) pourraient

susciter du tournis. Un examen clinique et neurologique attentif permet 

de repérer des éléments d'orientation. Les entités diagnostiques 

comportementales dont le tournis est un symptôme majeur. Le tournis en 

particulier et les stéréotypies en général constituent un symptôme 

majeur, voir un critère diagnostique, de quelques affections

comportementales.


 





Le syndrome dissociatif: Il

se caractérise par une perte progressive de la relation du chien au 

monde extérieur avec apparition de troubles hallucinatoires de plus en 

plus sévères. Les symptômes apparaissent aux alentours de la puberté, 

même si des épisodes pré-morbides sont rétrospectivement repérés dés le

plus jeune âge. Des stéréotypies envahissantes, au cours desquelles le

chien semble indifférent à son environnement obnubilé par des stimuli 

imperceptibles ( hallucinations ) dominent le tableau clinique. On note

une forte représentation des races Bull-Terrier et Berger allemand 

avec des prédispositions familiales attestées. le pronostique est 

sombre. le syndrome dissociatif présente des similitudes troublantes 

avec la schizophrénie. L'analyse de la littérature anglo-saxonne 

confirme une prévalence importante du tournis dans la race Bull-Terrier

et dans une moindre mesure chez le berger Allemand. les descriptions 

cliniques disponibles sont souvent directement superposables au

syndrome dissociatif tel que défini par Patrick Pageat (races et âge

d'apparition, symptômes, dilatation des ventricules cérébraux...). 




Les auteurs proposent trois hypothèses principales:



  1. Crises d'épilepsie partielle sur la base d'un électroencéphalogramme anormal. 

  2. Déficit héréditaire en zinc, comme dans l'acrodermatite létale autre affection héréditaire du Bull-Terrier. 

  3. Une

    aberration du métabolisme des endorphines ou de leurs récepteurs,

    corrélées d'ailleurs à l'apparente insensibilité à la douleur de la race

    Bull-Terrier (!).





Les stéréotypies de contrainte: Des

stéréotypies peuvent faire suite à une situation de "contrainte" c'est

à dire en pratique la mise au travail ou une mise à l'attache ou un

confinement. Le contexte d'apparition est essentiel au diagnostic. Les

troubles surviennent au jeune âge et s'avèrent assez stables dans le

temps. En dehors de la stéréotypie, le tableau clinique est relativement

pauvre. Un état anxieux peut cependant se développer. Les stéréotypes 

de tournis semblent plus fréquentes chez le Berger Allemand, qui 

connaît parallèlement un risque accrus de subir une situation de 

contrainte. Les états pathologiques et les entités diagnostiques 

comportementales dont le tournis est un symptôme secondaire. Le

tournis, en tant QU'ACTIVITE SUBSTITUTIVE OU STEREOTYPIE, fait partie

du tableau clinique des états anxieux et dépressifs. Du tournis peut

donc se rencontrer dans toutes les affections inhérentes à ces états

pathologiques:


Anxiété

ou dépression de privation, dépression de détachement précoce etc...Il

ne constitue généralement pas un symptôme majeur, même si dans des 

formes très évoluées les autres symptômes ont tendance à s'estomper.


Il

est également apparenté sous cette forme, par les auteurs anglo-saxons

en particulier, aux troubles obsessionnels compulsifs. Le tournis 

stéréotypé répond effectivement aux critères des TOC, ou tout au moins 

des compulsions, tels que définis en médecine humaine. Caractère 

répétitif et envahissant / Contexte inopérant et comportement non 

fonctionnel / perturbant les activités normales. Le côté obsessionnel 

est attesté par la fréquence du tournis et à la difficulté à éviter que

le chien momentanément distrait, entame rapidement une nouvelle 

séquence. le contexte d'émission des TOC est variable, certains 

patients parviennent à contrôler leur comportement en présence de 

tiers. Chez le chien, les punitions, les contraintes physiques, la 

restriction d'espace peuvent momentanément interrompre la stéréotypie, 

mais dès que le contexte le permet, le comportement s'exprime à 

nouveau. Chez l'homme, les TOC apparaissent souvent à l'adolescence, et

chez le chien, en période pubertaire.






Le

tournis ritualisé survient dans un très grand nombre de situations 

cliniques dès lors qu'il existe un trouble de la communication.






Le syndrome hypersensibilité-hyperactivité: Le tournis est un élément clinique fréquent du syndrome 

hypersensibilité-hyperactivité. Ce type d'activité motrice ( tournis, 

mais aussi sautillement, déambulations...), qui apparaît fréquemment au

cours des jeux et dans un contexte d'excitation, est spontanément 

observé chez le chien hyperactif. Ces séquences subissent facilement un

renforcement progressif et une ritualisation d'autant plus que la 

communication est pauvre et laborieuse chez les chiens atteints.






Les troubles de la communication: Ils ne constituent certes pas un diagnostic en soi, mais s'observent

dans de nombreuses circonstances cliniques qu'il conviendra de 

déterminer, et notamment sociopathies, anxiété de dé ritualisation.


 





Démarche diagnostique: Elle s'inscrit dans la sémiologie comportementale globale, mais certains éléments particuliers méritent d'être documentés.

- A que âge le tournis est-il apparut ?

- Comment a-t-il évolué ?

- Est -il apparut brutalement ou progressivement ?

- Quelle est sa fréquence ?

- Quelle est la durée moyenne d'un épisode de tournis ?

- Le chien s'interrompt-il spontanément ?

- Est-il possible ou impossible d'interrompre le chien ? comment peut-onle distraire ?

-

Dans quelles circonstances le tournis se déclenche t-il ? ( NB peut 

êtrenécessaire à posteriori de faire tenir un carnet de route recensant 

les circonstances de déclenchement ).


- Le tournis est-il observé de nuit comme de jour ? Dans unenvironnement connu comme dans un environnement inconnu ?

-

Quels sont les comportements observables avant la séquence de tournis ?

pendant ? après ? ( NB: on s'intéressera ici à d'éventuelles phases de 

fixité, d'obnubilation, à d'autres comportements productifs aboiements, 

grognements....)


-

Existe-t-il des lésions sur la queue ou les postérieurs ? Ces lésions 

étaient-elles observables avant les épisodes de tournis ? 








La

part de la prise de contact avec la queue et le corps, léchage ou

mutilation sera évaluée. Une description détaillée des séquences de

tournis doit permettre d'attester de la réceptivité du chien au monde

extérieur. Ces données permettent généralement de reconnaître la nature

du tournis ( 1ere étape) et de dresser la liste des hypothèses les 

plus probables. La 2éme étape, plus ou moins aisée, consiste à proposer

un diagnostic étiologique en tenant compte du tableau clinique dans 

son ensemble, des autres anomalies comportementales et des éléments

épidémiologies. Un examen neurologique est indispensable même si les

causes nerveuses de tournis restent probablement rares. Si l'examen

neurologique est normal, que les symptômes ne sont pas observés dans un 

environnement inconnu, et si le chien peut être interrompu aisément, il

ne s'agit vraisemblablement pas de crises d'épilepsie.


 





Possibilités thérapeutiques: La

littérature fait état d'un très grand nombre de traitements 

envisageables, de façon plus ou moins bien établie. L'implication des 

différents neurotransmetteurs n'étant pas clairement validée il est

difficile de proposer un traitement de choix. Dans la pratique, il faut 

reconnaître que, lors de tournis envahissant, le pronostic globalement 

mauvais conduit le clinicien à faire des essais thérapeutiques plus ou 

moins couronnés de succès.






Les

anti-épileptiques: peuvent être envisagés lorsque l'hypothèse de 

crise psychomotrice est prouvée ou tout au moins étayée par un faisceau

de preuve. Le phenobarbital est souvent proposé à la dose classique ( 

2-3 mg/kg q12h ) et, mais la carbamazépine semble une alternative 

intéressante. Une réponse positive rend l'hypothèse d'épilepsie 

partielle hautement probable. A noter que l'efficacité du phénobarbital

en cas de crise partielle chez l'homme serait moindre.






Les

antagonistes morphiniques: la naloxone et la naltrexone sont des 

antigonistes morphiniques commercialisés comme antidote des 

morphiniques. La naloxone ( NARCAN ) n'existe qu'en injectable et est 

proposée sous cette forme par les Anglo-saxons dans le but d'établir un

diagnostic thérapeutique d'une anomalie des endorphines ou de leurs 

récepteurs ( naloxone challenge ). la naltrexone ( NALOREX ) disponible

en comprimés permet un relais PO le cas échéant. Les doses proposées 

sont de l'ordre de 0.01mg/kg ( naloxone IV ) et 1-2 mg/kg/j ( 

naltrexone PO ).






La risperdone ( RISPERDAL ): neuroleptique proposé pour le traitement du syndrome dissociatif.

Les inhibiteurs de recapture de la sérotonine constituent le traitement de référence lors de TOC chez l'homme.

La

clomipramine, plébiscité par les Anglo-saxons, semble appropriée dans 

les troubles anxieux si le tournis n'est pas trop envahissant. Les

études Anglo-saxonnes, en raison de l'hétérogénéité des tableaux

cliniques et des diagnostics probables, ne permettent pas d'établir des 

critères d'efficacité et un cadre de prescription.


La

fluoxetine est également proposée. elles est préconisée lors de 

stéréotypie, dans le but de faciliter la réintroduction du signal 

d'arrêt.


la

sélégiline est envisageable s'il s'agit d'un rituel, associé ou non à 

un trouble de la communication. Elle renforcera l'impact de la thérapie

comportementale.






Enfin, différentes molécules sont citées: la clozapine, la buspirone, l'amitryptiline, le thioridazide.





La thérapie comportementale a une importance variable selon l'origine du trouble. Elle est essentielle lors de rituel.





Conclusion: La

gestion des chiens tourneurs représente un véritable challenge

diagnostique et thérapeutique. Ce symptôme ou ce syndrome est aussi

l'occasion d'illustrer des différences majeures entre l'école

Anglo-saxonne et l'école française de comportement. Il apparaît aussi

nettement que beaucoup d'inconnues demeurent notamment concernant les

prédispositions raciales, la part du support neurologique, l'implication

des neurotransmetteurs et des endorphines et la pertinence d'un modèle

animal pressenti. Une meilleure connaissance de ce problème clinique 

et une démarche diagnostique rigoureuse et attentive permettent 

cependant au clinicien, sinon d'établir un diagnostic précis, au moins 

d'intervenir dans un cadre relativement structuré et rassurant face à 

un problème déroutant.